Quels sont les arguments des opposants ?
Dans leur immense majorité, les « savants » et juristes musulmans interdisent à une musulmane de contracter mariage avec un non-musulman, quelle que soit la religion de ce dernier.
À l’appui de leur position, ils trouvent des arguments dans le Coran. « N’épousez pas les femmes al mouchrikate (NDLR : généralement traduit par « idolâtres », mais plus proche de « polythéistes » ou « associationniste ») tant qu’elles ne sont pas des croyantes (NDLR : certains comprennent « musulmanes »). Une esclave croyante est préférable à une idolâtre libre (…). N’épousez pas les hommes al mouchrikine tant qu’ils ne sont pas des croyants. Un esclave croyant est préférable à un idolâtre (…) », prescrit ainsi la deuxième sourate.
Ils autorisent en revanche un musulman à se marier avec une non-musulmane, notamment chrétienne ou juive.
Président de l’Union internationale des savants musulmans (proche des Frères musulmans), Yûsuf al-Qaradhâwî est l’une des références majeures des théologiens conservateurs. Dans une longue déclaration publiée mi-août, il a « fait part de sa grande surprise et de sa condamnation des propos tenus par le président tunisien ».
Selon le fameux prédicateur égyptien, réfugié au Qatar, le mariage d’une musulmane avec un non-musulman « contredit le Coran, la tradition prophétique et le consensus de la communauté ». « Depuis l’époque des compagnons du Prophète jusqu’à ce jour, les savants musulmans sont unanimes sur le fait que l’identité musulmane du mari est une condition de validité du mariage de la femme musulmane », n’hésite-t-il pas à affirmer en rappelant une fatwa publiée en 1950 par les savants de l’université musulmane de Tunis, selon laquelle il ne fallait pas donner le nom de « mariage » à ce qui n’est qu’une « pure ignominie ».
Sur les réseaux sociaux, les musulmans défendent également cette position à l’aide d’arguments sociologiques ou anthropologiques : dans des sociétés « patriarcales », les femmes musulmanes seraient de facto sous l’influence de leurs maris chrétiens ou juifs et ne pourraient donc pas élever leurs enfants dans leur propre religion. Contrairement à « l’homme musulman » dont l’ascendant sur son épouse chrétienne ou juive est présupposé…
Quels sont les arguments des partisans ?
Depuis quelques années, d’autres voix s’élèvent pour dénoncer une lecture réductrice du Coran et de la tradition musulmane, beaucoup plus diverse que ne le laissent penser les conservateurs.
Ces nouveaux penseurs appellent à une autre interprétation des textes, prenant en compte le contexte de la prophétie de Mohammed – l’Arabie du VIIe siècle. Ils s’interrogent aussi sur le sens que les musulmans peuvent lui donner, au XXIe siècle, dans des sociétés pluralistes et aspirant à l’égalité entre hommes et femmes.
Marocaine, théologienne et féministe, Asma Lamrabet estime d’abord que le traitement dissymétrique réservé aujourd’hui aux hommes et aux femmes est contraire au Coran. Dans le verset de la deuxième sourate, « l’injonction est parfaitement égalitaire et interpelle hommes et femmes d’une façon strictement équivalente », écrit-elle dans un article de 2013 publié par Les Cahiers de l’islam.
Selon elle, l’interdiction s’est progressivement imposée aux femmes en raison de l’interprétation – à ses yeux abusive – d’un autre verset du Coran (60 ; 10) à propos des « croyantes » qui « se présentent en muhajirates (réfugiées) auprès de vous ». « Si vous êtes convaincus qu’elles sont de vraies croyantes, ne les renvoyez pas aux kufar (infidèles) car elles ne sont plus licites pour eux ni eux licites pour elles. » Ce verset, selon elle, ne parle pas du mariage, mais aurait été « révélé afin d’empêcher l’extradition des femmes qui s’étaient converties à l’islam et afin de ne pas les exposer aux représailles de leurs familles respectives ».
« La question qui reste à poser est comment pourrait-on aujourd’hui, dans ce chaos conceptuel, culturel et mondialisé, catégoriser les personnes selon leur foi, leur appartenance religieuse ou culturelle ? À quoi reconnaît-on un musulman, un croyant, un chrétien, un juif, un polythéiste ? », interroge aussi Asma Lamrabet.
Dans un article du 29 août 2017 publié lui aussi par Les Cahiers de l’islam, l’islamologue belge, et musulman lui-même, Michaël Privot constate lui aussi l’urgence de « s’interroger sur ce qu’est un mushrik au XXIe siècle, à l’heure où l’associationnisme auquel faisait référence le Coran, présent au début du VIIe siècle à l’Est de la Péninsule arabique, a définitivement disparu ainsi que la société qui le portait ».
Author: Belinda Moore
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